La Turquie, les enjeux d’une nouvelle puissance en Afrique – Abdoul Fathi Sanogo

CONTEXTE

La politique d’ouverture de la Turquie envers le continent Africain initiée en 1998, la mise en place en 2003 de la ”stratégie pour le développement des relations économiques avec les pays africains” et la déclaration de l’année 2005 en qualité de ”l’année d’Afrique” ont contribué au renforcement et l’intensification des relations diplomatiques, économiques, commerciales et culturelles avec les pays africains. Ces manœuvres et intentions de la Turquie de vouloir développer ses relations à tous les niveaux avec le continent ne sont restées sans réponse par la partie africaine représentée institutionnellement par l’Union Africaine qui a donné un statut d’observateur en 2005 à la Turquie au son sein. 

BILAN DES 20 DERNIÈRES ANNÉES DANS LES RELATIONS TURQUIE-AFRIQUE

Les ambassades de la République de Turquie à travers le continent sont passées de 12 en 2002 à 43 en 2021 avec l’ouverture de l’ambassade à Lomé, en République Togolaise. De même, alors que le nombre d’ambassades des pays africains à Ankara était de 10 en 2008, il a atteint 37 en 2021. Le premier sommet de partenariat Turquie-Afrique s’est tenu en 2008 à Istanbul avec la participation de 49 pays et le second à Malabo en Guinée Équatoriale. À l’issue de la visite du président de la commission de l’Union Africaine M. Moussa Faki Mahamat en septembre dernier en Turquie, le troisième sera organisé les 17-18 décembre 2021 à Istanbul, en République de Turquie. Au niveau commercial, le volume d’échange est passé de 5,4 milliards en 2003 à 25,3 milliards de dollar américain à nos jours et l’aide au développement aux pays africains a atteint 8,5 milliards de dollars. Des accords de coopération commerciale et économique, de promotion et de protection mutuelle des investissements et des accords de prévention de la double imposition ont été signés avec de nombreux pays africains. La compagnie turque ”Turkish Airlines” vole sur 41 destinations dans 33 pays africains. Dans le même temps, la Turquie fait sentir sa présence sur le continent à travers son Agence de Coopération et de Coordination (TIKA), sa fondation pour l’éducation (MAARIF), ses Centres Culturels des Instituts Yunus Emre et de nombreuses organisations et associations d’aide humanitaire et sociale. Le président Erdoğan ne cesse de le dire constamment ; ”l’essence des relations entre la Turquie et l’Afrique est basée sur la sincérité, la fraternité et la solidarité”. Cependant, il convient de noter que la partie africaine est consciente que de nos jours, les intérêts forment la base des relations internationales et approche avec prudence a ce nouveau partenaire.

VISITE DU PRESIDENT ERDOĞAN EN ANGOLA, AU TOGO ET AU NIGERIA

Le Président Erdoğan, son mandat de Premier ministre inclus, a effectué 50 visites dans 30 pays africains et sa dernière tournée africaine s’est concrétisée d’abord en Angola, au Togo et au Nigeria du 17 au 20 octobre. Le but de ces visites est multidimensionnel, mais les plus importants, c’est la lutte contre le FETO dans le continent et particulièrement dans ces pays et l’augmentation du volume d’échange commercial. Il faut rappeler que la Turquie demande sans exception à tous les Etats du continent, de l’accompagner dans sa lutte contre le FETO. Les écoles FETO en Angola ont été fermées en 2017, et les écoles au Togo cette année, mais les écoles au Nigeria continuent de fonctionner. On peut dire qu’au-delà des perspectives dégagées pour accroître davantage le volume d’échange commercial avec le Nigeria qui est son plus grand partenaire commercial en Afrique subsaharienne principalement en matière d’importation du pétrole et du gaz naturel liquéfié avec un chiffre d’échanges entre les deux pays de 2 milliards de dollars l’année dernière, la fermeture également des écoles FETO était au cœur des discussions avec le président nigérian Muhammadu Buhari. Par ailleurs, un mini-sommet s’est tenu au Togo avec la participation des chefs d’État du Burkina Faso et du Libéria, où des questions très importantes telles que la lutte contre le terrorisme et le développement de la coopération dans l’industrie de la défense ont été abordées. Il convient de rappeler que la Turquie a fourni une aide financière de 5 millions de dollars à la force conjointe du G5 Sahel, qui a été établie dans la région du Sahel pour lutter contre le terrorisme. Le secrétaire exécutif de cette force lors de sa visite en Turquie en avril dernier, a tenu une déclaration d’intention visant à accroître la coopération en matière d’approvisionnement de l’industrie de la défense avec le département chargé de l’industrie de la défense de la présidence de Turquie et un contrat de vente d’armes et de munitions a été signé avec la société anonyme l’industrie des machines et de la chimie.

QUEL AVENIR DANS LES RELATIONS TURQUIE-AFRIQUE ?

La Turquie devient de plus en plus un partenaire très important et stratégique pour les pays africains et en même temps une puissance qui ne peut être sous-estimée pour ses concurrents sur le continent. Les progrès susmentionnés dans les relations entre les deux parties, montre jusqu’à quel niveau la Turquie est déterminée à développer ses relations avec les pays du continent.

La Turquie offre à ces pays une nouvelle vision et un troisième choix. Un choix qui se situe entre le maintien pour ces pays des relations avec leurs partenaires traditionnels et la politique chinoise qui est une politique d’emprunt et il faut préciser également l’écart considérable des accord économiques entre la Chine et ses partenaires du continent. Cette nouvelle approche de la Turquie est basée sur le respect mutuel et la préservation des intérêts des deux parties et surtout un partenariat gagnant-gagnant. Il faut dire que les pays africains ne sont pas habitués à une telle approche d’une puissance étrangère et cette politique de la Turquie est beaucoup appréciée par la partie africaine. D’ailleurs le président de la commission de l’Union Africaine lors de son passage en Turquie a eu a le dire ”Je pense que le partenariat avec la Turquie a le mérite d’être stratégique. C’est un partenariat d’égal à égal, amical, sans tabous, sincère, visant à agir ensemble, à surmonter les défis auxquels les populations font face.”  Ou encore ici avec le militant panafricaniste Kemi SEBA ”l’intérêt de la Turquie pour l’Afrique est un partenariat gagnant-gagnant” 

Les efforts des Partenaires traditionnels pour préserver le statu quo avec les pays africains en ce début de ce 21e siècle, ont également contribué au développement des relations entre ces pays avec la Turquie. Car ces pays sont désormais à la quête d’un partenariat équitable et si la Turquie continue dans cette logique de partenariat gagnant-gagnant, elle pourra être dans un futur proche, l’un des plus grand partenaire dans tous les sens des pays du continent. Et n’oublions pas également, que les slogans ”Ensemble, un monde plus juste est possible” ou encore ”le monde est plus grand que cinq” et les positions du président Erdoğan à défendre ces pays au niveau international est beaucoup appréciée par les dirigeants du continent. Le président Togolais Faure Gnassingbé l’a indiquer lors de la conférence de presse à Lomé je cite ” Dans un monde où malheureusement parfois les intérêt égoïstes prennent le dessus que la solidarité et la cooperation, les relations entre l’Afrique et la Turquie s’affirment davantage.  Avant de poursuivre qu’il souhaite également que la Turquie porte la voix des pays africains dans le cadre du G20 notamment dans leur lutte contre le COVID19”    

A cette allure, nous pouvons dire sans complaisance ; que la relation entre la Turquie et l’Afrique, a un avenir promoteur qui s’énonce pour les deux parties. 


Abdoul Fathi Sanogo

Abdoul Fathi SANOGO est diplômé de l’Université de Mersin, Département des Relations Internationales. Il est le coordinateur général du 1er Forum des étudiants africains en Turquie sur le thème ”la mondialisation et de l’Afrique”. Il est l’ancien président de l’Association des étudiants africains à Mersin et de l’Association des étudiants du Burkinabè en Turquie. Il a effectué son stage à l’Institut de Normalisation et de Métrologie pour les Pays Islamiques dans le cadre du programme de stage international de l’Organisation de la Coopération Islamique.

Pour citer cet article: Abdoul Fathi Sanogo, “La Turquie, les enjeux d’une nouvelle puissance en Afrique”, Panorama, En Ligne, 21 Décembre 2021, https://www.uikpanorama.com/blog/2021/12/21/la-turquie-les-enjeux-d’une-nouvelle-puissance-en-afrique


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